Emplois en ligne en Afrique | Isahit, plateforme éthique d'annotation de données pour l'IA et le traitement des données
Le "jobbing" - nom de ces tâches confiées à des internautes et rémunérées à l'acte - est né aux États-Unis il y a une dizaine d'années. Isahit, une start-up française, tente depuis six mois de répliquer le modèle en Afrique francophone.
Des femmes au foyer ou de jeunes étudiants en bourse chargés, par des interposés informatiques, du traitement de texte, de la modération ou du classement des factures pour le compte d'entreprises souhaitant externaliser ces tâches : c'est le principe du "jobbing", né en 2008 dans la tête d'une Américaine, Leah Busque, qui cherchait quelqu'un pour acheter les croquettes de son chien.
Elle a ensuite créé Runmyerrand ("Do my Errands" en anglais), rebaptisé depuis TaskRabbit, comme le racontait le quotidien français Les Échos en 2014. En dix ans les modèles analogues ont essaimé : YoupiJob, Frizbiz, Jemepropose, IFastask, MonAbeille...
Et pendant six mois, Isahit Trieste tente de reproduire ce modèle sur le continent, en commençant par l'Afrique francophone. Ils sont deux à l'initiative de cette entreprise qui vise à recruter environ 10 000 "travailleurs" au Sénégal (Dakar), en Côte d'Ivoire (Abidjan), au Burkina (Ouaga), au Congo-Brazzaville (Pointe Noire) et au Cameroun (Yaoundé), via des incubateurs ou des Fablabs - ces laboratoires de fabrication numérique.
Il s'agit d'Isabelle Mashola, ancienne directrice informatique chez Cisco, le spécialiste américain des serveurs, et Dell, le célèbre fabricant de PC, et de son compagnon Philippe Coup-Jambet, spécialiste des fintech (innovation dans les services financiers) qui a participé à la création de plusieurs start-up numériques.
Pour l'instant, une vingtaine de femmes participent à la réalisation de micro-tâches telles que la modération de contenus ou de commentaires sur des sites web ou annotation d'images dans des banques de données. Par exemple, au Cameroun, les femmes qui vont travailler sur les marchés le matin feront ensuite, l'après-midi, les micro-tâches proposées sur Isahit. Au Sénégal, des étudiants n'auraient pas eu les moyens de payer leurs études autrement. Au Togo, des artisans, et au Burkina, une étudiante qui n'a pas pu assurer sa troisième année de comptabilité. Plusieurs centaines d'autres seront recrutées dans les mois à venir.
"Isahit" - mot anglais Game "is a hit" et "human intelligence task" - veut couvrir tout ce que la machine ne peut pas faire. Le terme est également utilisé par Amazon Mechanical Turk dont le principe est assez similaire. Sauf que les niveaux de rémunération des 500 000 "turkers" d'Amazon sur sa plateforme sont fortement critiqués - la moitié d'entre eux perçoivent moins de 7,25 dollars, le salaire minimum horaire aux États-Unis selon le site TechRépublic.
Amazon, c'est de "l'esclavage", dit Isabelle Mashola. En revanche, Isahit se revendique comme un "entrepreneur social" et paie volontairement au-dessus des prix du marché. Isahit cible les personnes défavorisées et veut contribuer à la réduction de la pauvreté. Le site paie donc 20 dollars par jour pour sept heures de travail, soit bien plus que les 2 dollars par jour des deux milliards de personnes les plus pauvres de la planète.
" Nous avons un contact direct et privilégié avec les " hiteuses ". Nous les soutenons en leur prêtant une tablette s'ils en ont besoin, en leur offrant un lieu pour se connecter à Internet, en les aidant à trouver le bon statut d'indépendant, en les accompagnant dans leurs démarches bancaires et bientôt nous mettrons en place des formations numériques pour les aider à monter en compétences", explique Isabelle Mashola.
Ce dernier évacue le procès dumpé ou précarisé qui peut être fait régulièrement aux plateformes de " jobbing " : "à tâche équivalente, nous rémunérons beaucoup plus nos ' hiteuses ' que la concurrence traditionnelle. Notre modèle est de redonner de la dignité à ces personnes défavorisées par le travail et de les connecter dans le monde numérique de demain.
D'autre part, les services d'Isahit sont proposés exclusivement aux petites entreprises françaises, comme Small Business Act, un service de comptabilité en ligne et à moindre coût, ou la banque de photos africaines Yeelenpix. Cinq entreprises sont clientes et ont un carnet de commandes de plus d'un million de tâches. Il est prévu que les groupes du CAC40 fassent également appel aux services d'Isahit en 2017.
Pour l'instant hébergée par l'incubateur parisien Make sense, l'entreprise développe également un partenariat avec les Nations unies pour le recrutement d'" hiteuses " dans les camps de réfugiés, notamment en Afrique.
et cherche à lever des fonds pour poursuivre son développement. D'autant que la concurrence est là : ainsi WeChat, l'application sociale née du partenariat entre le géant chinois Tencent et le groupe de médias sud-africain Naspers, qui compte plusieurs millions d'utilisateurs dans la nation arc-en-ciel, a investi 3,5 millions dans Money for Jam (M4JAM), un autre de ces services de "jobbing" déjà bien connu en Afrique du Sud.
http://www.jeuneafrique.com/391751/societe/micro-emplois-ligne-a-lassaut-de-lafrique/
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