Dans une tribune aux " Echos ", Isabelle Mashola, présidente de l'isahit, prône de mettre la technologie au service des personnes.

Comment mettre la technologie au service des personnes

"Tech for Good" : c'est LA tendance du moment. Les grandes entreprises comme les start-ups la revendiquent, conscientes que la société attend désormais d'elles un impact positif sur le monde et la société. Et on ne peut que s'en réjouir. Ce mouvement est à encourager, à condition bien sûr que le " goodwashing " ne soit pas le nouveau " greenwashing ". Mais que signifie exactement "bon" ? "Bon" pour qui et pour quoi ? Mathieu Baudin, historien et directeur de l'Institut des futurs souhaitables, préfère l'expression " Tech for Good " à la notion de " Tech for What ", faisant davantage référence au sens de la technologie, à son utilité et à sa raison d'être. Mais une autre déclinaison est possible, celle de "Tech for People", impliquant que la technologie doit être au service de l'homme.

Du sens à l'impact

Plus qu'un slogan de plus dans le jargon des "startups", "Tech for People" consiste à orienter et à évaluer l'impact concret d'une technologie ou d'une entreprise, non plus sur un "bien" évanescent mais sur la vie réelle des gens. Elle offre également la possibilité de dépasser l'opposition entre la technologie et les personnes, comme si la première était une menace pour les secondes. La technologie en soi n'est ni bonne ni mauvaise : c'est l'usage qui en est fait qui compte. Que ce soit pour améliorer la santé, générer de l'entraide ou protéger l'environnement, le numérique a démontré à maintes reprises qu'il pouvait contribuer à améliorer la vie et le quotidien de millions de personnes. Dans les pays en développement en particulier, la technologie crée des opportunités. Les personnes en situation de précarité ou de fragilité peuvent aujourd'hui s'émanciper personnellement et financièrement, mais aussi s'épanouir, en se formant aux nouveaux métiers du numérique.

Faire face à la fracture numérique

Au-delà de l'impact positif qu'elle peut avoir sur la vie des gens, la technologie est et sera de plus en plus une compétence indispensable à assimiler pour profiter pleinement des opportunités du monde de demain. C'est une question d'"autonomisation". " Tech for People ", c'est aussi répondre au défi de faire du numérique un puissant levier d'inclusion. La fracture numérique n'épargne personne, pas même les "digital natives". Aujourd'hui, les jeunes perçoivent surtout la dimension ludique de ce phénomène mais ne le considèrent pas forcément comme un moyen d'intégration ou un tremplin professionnel. Pourtant, il ne suffit pas de savoir créer et gérer un compte Instagram pour prétendre être un expert en technologie. De nombreux jeunes adultes de la génération Z n'ont pas les bonnes compétences pour postuler efficacement à un emploi en ligne. Or, tout cela peut s'apprendre.

Formation pour améliorer la productivité

Plus loin, il s'agit de former en permanence une population active qui ne peut souvent pas suivre le rythme effréné de l'innovation : un enjeu économique majeur !

A ce jour, seuls 30,9% des Français ont un peu plus que des connaissances numériques de base contre 50,1% des Finlandais et 48,8% des Britanniques. Dans une étude intitulée "L'utilité de la formation professionnelle face à la révolution numérique", les économistes Nathalie Chusseau et Jacques Pelletan de l'Institut Sapiens estiment que former 10% de la population active française, soit 3 millions de personnes, aux compétences numériques pendant 6 mois entraînerait immédiatement une augmentation de 2,5% du PIB.

Par l'homme, pour l'homme

Les Millenials qui seront au cœur de l'entreprise de demain ne veulent plus de jobs à la con. Ils veulent donner du sens à leur travail, sentir qu'ils contribuent à un monde meilleur, qu'ils peuvent avoir un impact sur celui-ci tout en aspirant à des carrières moins linéaires et plus agiles. Se revendiquer " Tech for People ", c'est à la fois leur ouvrir cette perspective de sens et leur donner tous les outils nécessaires pour évoluer comme ils l'entendent dans un monde de plus en plus digitalisé. C'est aussi l'occasion pour les entreprises d'attirer les meilleurs talents afin de rester à la pointe de l'innovation. Soyons réalistes : la technologie de demain ne sera faite que par et pour les personnes.