LA TRIBUNE - Réconcilier les entreprises et l'impact numérique
La fracture numérique est un gros problème pour les populations d'Afrique.
L'enjeu est de faire émerger un modèle de développement des compétences, de mise en relation des personnes et d'amélioration des conditions de vie des populations des pays émergents par le numérique. Demain, le travail sera essentiellement numérique, et il faudra apprendre " dans l'instant " grâce aux nouvelles technologies.
Cette vision s'articule autour de plusieurs valeurs : un monde juste et équitable qui offrirait les mêmes opportunités à tous et qui s'appuierait sur la technologie et l'Internet pour redistribuer le travail à impact social et leur permettre de se connecter au monde numérique de demain, notamment pour les femmes et les jeunes. Dans les 10 prochaines années, le continent africain doit pouvoir répondre à un besoin de plus de 100 millions de postes pour les jeunes. Un grand défi et donc un besoin d'emplois très rapidement.
La Fondation Rockefeller définit l'Impact Sourcing comme " une pratique d'inclusion sociale par l'emploi, par laquelle les sociétés donnent du travail aux jeunes des pays émergents ". L'impact sourcing se distingue du sourcing traditionnel, qui consiste à externaliser tout ou partie de l'activité d'une entreprise pour éviter les coûts, grâce à son impact sur la société, en favorisant l'inclusion sociale des personnes les plus éloignées de l'emploi. En français, " Impact sourcing " se traduit par " externalisation socialement responsable ".
Malgré son impact social important, le sourcing d'impact ne coûte pas plus cher aux entreprises clientes qui l'externalisent puisqu'il est compétitif par rapport au sourcing traditionnel en offrant les mêmes services aux mêmes tarifs et avec une qualité identique. Les entreprises qui ont recours à l'impact sourcing bénéficient d'un double avantage : un excellent rapport qualité-prix et l'avantage de participer à un projet responsable qui peut faire partie de leur politique de RSE - responsabilité sociale des entreprises.
Ce marché de l'externalisation socialement responsable s'élève à 20 milliards de millions d'euros. C'est un marché qui croît beaucoup plus vite que celui de l'externalisation conventionnelle, avec une croissance annuelle de 25 %. Les tâches numériques représentent actuellement 20 % de ce marché et atteindront jusqu'à 80 % de part de marché en 2020.
La contribution des plateformes de crowdsourcing à impact social pourrait y contribuer. Plusieurs initiatives de ce type dans le monde et en Europe sont disponibles pour aider ces personnes dans leur combat quotidien, et tenter d'améliorer leur vie quotidienne.
Le principe : des micro-tâches numériques, allant de l'analyse sentimentale à annotation d'images en passant par le traitement de données, découpées et distribuées aux différents " jobbers " travaillant sur la plateforme via leur tablette ou leur smartphone.
Ce système de travail en ligne permet une flexibilité et une planification totale de son emploi du temps, caractéristique nécessaire lorsqu'on a déjà un autre emploi et/ou une famille nombreuse et/ou que l'on suit des études. De plus, l'externalisation des tâches numériques des entreprises européennes dans les pays africains a un double intérêt : être compétitif sur le marché occidental tout en permettant aux populations locales d'augmenter considérablement leur pouvoir d'achat.
De jeunes start-ups françaises, se sont récemment lancées sur le marché de l'Impact Sourcing et de l'outsourcing en Afrique en faisant travailler des personnes en situation précaire, principalement des femmes et des jeunes. Elles se positionnent ainsi comme un complément de revenu qui permet pour un temps de travail de 3 Heures/jour de gagner 250 € (soit 160 000 CFA)/mois.
Ce complément de revenu permet aux" travailleurs " de réaliser un projet professionnel, comme la création d'une entreprise locale ou la reprise d'études. Par ailleurs, ces personnes, qui sont principalement des femmes et des jeunes, sont accompagnées par des formations numériques proposées pour leur permettre de s'approprier les outils du numérique, d'Internet et les codes du monde du Travail. Ces femmes sont encouragées à sortir de l'économie informelle en ouvrant un compte bancaire et en se déclarant travailleur indépendant local.
La transformation numérique associée à un travail numérique local ayant un impact social sur le terrain est une énorme opportunité en cette période où les migrants en Europe font l'actualité. La transformation numérique devient ainsi un juste profit pour les deux parties.
Isabelle Mashola, PDG et cofondatrice d'ISAHIT
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